Edmundo Gómez-Mango


Freud avec les écrivains

« À l’origine de ce livre un projet partagé par les deux auteurs : montrer ce que la psychanalyse et tout particulièrement son fondateur, qui a toujours quant à lui reconnu sa dette, devaient à la littérature.
Par des voies assurément différentes, voire divergentes, par des procédés qui sont propres à chacune d’elles, littérature et psychanalyse ne visent-elles pas un même objet, à savoir rendre compte de la complexité de l’âme humaine, déceler ce qu’il y a en elle de conflictuel, de troublant, d’obscur ? Mais dans l’obscur au moins est-il possible d’apporter quelques lumières. Dans l’exploration des terres inconnues, des terres étrangères, au moins est-il possible de s’aventuer sans s’y perdre.
Nous avons porté notre attention exclusivement sur des auteurs qui ont incontestablement marqué Freud. Certains qu’il n’a pu que lire – Shakespeare, Goethe, Schiller, Heine, Hoffmann, Dostoïevski –, d’autres qui furent ses contemporains, qu’il a rencontrés, avec lesquels il a correspondu – Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Romain Rolland, Thomas Mann.
Nous avons souhaité consacrer quelques pages à Freud écrivain – « Freud avec Freud » en quelque sorte –, car, ne l’oublions pas, il ne s’est pas contenté d’écouter, sa vie durant, ses patients, d’interpréter leurs rêves et de déchiffrer leurs symptômes, il n’a cessé, sa vie durant aussi, d’écrire – des livres, des articles, d’innombrables lettres. » Edmundo Gómez Mango, J.-B. Pontalis.

Auteurs : Edmundo Gómez-Mango, J.-B. Pontalis

Collection Connaissance de l’inconscient – Tracés, Gallimard.
Parution : 25 octobre 2012


Un muet dans la langue

Le muet, c’est d’abord le poète. Ce livre est né de l’étonnement provoqué par une pensée poétique d’André Du Bouchet : « […] invariablement je suis dans la langue le muet ». Le poète est le muet qui habite la langue et qui la fait parler. Il combat avec les mots, il veut qu’ils saisissent l’inatteignable, ce monde enseveli dans sa mémoire qui n’appartient pas au langage et dont seule la « langue étrangère » qui écrit les beaux livres (Marcel Proust) est capable, dans les moments rares de l’émotion poétique, d’appréhender quelques signes pour les faire entendre et voir.
Le muet, c’est l’infans, immergé depuis sa naissance dans un bain de paroles qu’il ne peut pas comprendre. Il est l’enfant primitif, l’enfant disparu et présent qui nous habite, l’enfant muet qui sans cesse fait parler de lui. Il surgit des traces d’expériences vécues, des vivances, de l’éprouvé sensible le plus précoce qui nous a pour toujours marqués et qui n’a jamais été dit. Cette langue muette est celle que l’analysant cherche à traduire en paroles, et que l’analyste tente d’entendre au cours des séances ou lorsqu’il écrit pour essayer de transmettre l’expérience analytique. Elle est la métaphore de ce que le langage ne peut pas rejoindre et qu’il s’efforce obstinément de dire.
L’auteur explore les frontières où la parole émerge du silence, où une langue est traduite dans une autre. En suivant le paradigme de la pensée freudienne, qui n’a pas cessé de confronter la psychanalyse avec les œuvres des grands écrivains, il essaye d’entendre dans la parole poétique et dans la parole dite en séance, au-delà de leurs radicales différences, ce que l’une et l’autre révèlent de la relation fondamentale que l’homme entretient avec le langage.
L’infans est un polyglotte qui peut apprendre n’importe quelle langue. On fait souvent l’éloge du plurilinguisme. L’auteur rappelle que le polyglotte est souvent un exilé dans toutes les langues. Lui-même bilingue, il nous invite à entendre l’enfant étranger qui habite dans une langue natale, celle de la poésie, celle de l’enfance, celle qu’on cherche à retrouver dans l’expérience de la psychanalyse.

Collection Connaissance de l’inconscient – Tracés, Gallimard.
Parution : 8-10-2009


La mort enfant

Le titre de cet ouvrage a été suggéré à l’auteur par la découverte d’une revue mexicaine reproduisant une série de portraits, peints et photographiques, d’enfants morts souvent somptueusement vêtus. Ce titre énigmatique évoque à lui seul le sentiment d’Unheimlichkeitdécrit par Freud. Sont-ils morts ou vivants, ces enfants ? Dorment-ils ? Seraient-ce des images de rêves ? Les frontières entre l’animé et l’inanimé s’effacent.
Edmundo Gómez Mango accompagne ici quelques écrivains – Hofmannsthal, Octavio Paz, entre autres – dans l’arrière-pays de « l’inquiétante étrangeté ».
Il nous raconte aussi des histoires, dont celle d’Esther, cette grand-mère qui finit par retrouver sa petite-fille disparue au temps de la dictature argentine et ne parvient pas à la distinguer de sa propre fille morte. Nous n’oublierons pas non plus l’histoire saisissante de celui qu’il nomme l’enfant aux rats.
Qu’il soit question de « la mélancolie de la terre » ou de « l’éphémère demeure », l’auteur nous prouve que littérature et psychanalyse marchent du même pas, pour peu que la profondeur de la pensée et l’authenticité d’un style soient au rendez-vous.

Collection Connaissance de l’inconscient – Tracés, Gallimard.
Parution : 13 février 2003


La poésie de Juan Gelman et l’appel des disparus

Nous savons que la tristesse nous rend muets, que la douleur nous laisse sans voix et sans paroles, que souvent la peine ne peut s’exprimer que par la lamentation ou par le cri. Dans la tristesse d’âme profonde, dans la mélancolie le langage s’écroule. Comment, alors, la tristesse parvient-elle à la parole ? Comment le verbe poétique s’approprie-t-il la lamentation et la transporte-t-il jusqu’au chant ? Comment la tristesse du deuil, de la séparation, de l’exil, inspire-t-elle le verbe et fait-elle de lui une parole poétique ?

Myriam Solal, 2002


La Place des Mères

Le titre de ce livre rend d’abord hommage aux Mères de la place de Mai, ces femmes qui commencèrent, au cœur de Buenos Aires, au temps sombre de la dictature militaire, leur ronde autour des disparus : elles se firent connaître dans le monde entier, elles devinrent un emblème du courage, un symbole de l’« apparition en vie ». Elles incarnèrent cette force que les mythes, les religions et les poètes ont appelée Les Mères.
Ce « motif » parcourt l’ouvrage. Le lecteur le reconnaîtra chez les Furies, devenues les Euménides qui hantent le bosquet où se repose Œdipe, chez Célestine, symbole de la passion qui réunit et perd les amants. Les Mères se masquent derrière les Heures, les Fileuses, qui rythment les saisons et trament le destin. Elles n’ont pas une place précise : elles sont les langues mères, qui enfantent les mots ; elles sont la métaphore de ce qui naît, de ce qui vient au jour, de ce qui apparaît.
Pour rester proche de l’étrangeté de l’expérience de l’analyse, il n’est pas mauvais de s’exiler dans ce royaume des Mères, des Inconnues, qui hantent l’inquiétude de la littérature. L’analyse, c’est aussi une forme d’exil. Comme les Mères de la place de Mai, la pensée de la psychanalyse, vouée au disparu, exige que le disparu ait un corps. De cette exigence naît parfois pour l’analyste le besoin d’écrire.

Collection Connaissance de l’inconscient – Tracés, Gallimard.
Parution : 22 janvier 1999


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