N°8 – 1992

Lorsque nous pensons une pensée, la signification de cette pensée est la forme du processus neurophysiologique sous-jacent. Cette belle formule du mathématicien Riemann — ici rapportée par Michèle Porte — pourrait servir d’exergue au présent volume. A cette condition toutefois qu’elle soit lue dans l’esprit où elle fut écrite : la « signification » d’une« pensée » est un acte de langage et la mathesis de la pensée d’une pensée est une forme dynamique — dont on pourrait dire qu’elle est « la forme du processus neurophysiologique sous-jacent ». Spinoziste dans son inspiration, une telle formulation exige, pour ainsi dire, que soit d’abord récusé le préjugé paralléliste de l’esprit et du cerveau. Si le langage porte en lui la condition d’une adaequatio entre psychique et vivant, c’est sous réserve qu’il soit phylogénétiquement « le langage » et non pas cela qui fait l’objet des théories de la communication. Pratiquement, la recommandation méthodique est que biologistes et psychologues poursuivent chacun séparément leurs propres recherches dans le champ qui leur est spécifique et selon la seule considération que la théorie doit être engendrée à partir des seuls faits qu’ils observent. Paradoxalement, le respect rigoureux d’un principe d’hétérogénéité a des chances de mieux garantir une communauté dans le langage que la recherche de modèles communs. […]

Revue Internationale de Psychopathologie, n° 8
Presses Universitaires de France
Parution : 09-1992