
Une interrogation sur le symptôme en psychopathologie a certainement valeur de mise en condition critique de celle-ci. Nous avons ici, dans les précédents numéros, accueilli plusieurs contributions d’orientations différentes accordant à la question du symptôme une fonction de discernement des théories de référence. C’est dire que cette question bénéficie d’un renouvellement dans ses formulations, d’autant que les psychotropes — ne serait-ce que par leur pouvoir d’assurer la « guérison » des symptômes — ont certainement contribué à ce regain d’intérêt pour le rôle psychodynamique qui leur est attribué, au plan de leur statut conceptuel.
Dans son travail fort documenté que publie ici Jean-Michel Azorin sur la « Phénoménologie de la dissociation schizophrénique », on retrouvera tout d’abord la célèbre distinction proposée par H. Tellenbach et souvent commentée par A. Tatossian entre symptôme et phénomène. « Le phénomène montre en lui-même ce qu’il annonce et rien en dehors de lui », écrit Azorin qui poursuit aussitôt : « S’il existe une théorie du symptôme, celle-ci est indissociable d’une théorie de la maladie, de la structure ou du conflit, alors que la théorie du phénomène se confond avec la vision directe de celui-ci, au sens de la theoria grecque comme vision. » Le point de départ de la réflexion sera donc la théorie du symptôme chez Eugen Bleuler et la conception qu’il élabore de la dissociation schizophrénique. La pertinence — pour ainsi dire phénoménologique — de la clinique bleulerienne n’a-t-elle pas été brouillée par une pensée spéculative à la fois fidèle à la tradition médicale et sensible à la découverte psychanalytique ? Autrement dit : l’importance décisive accordée distinctement par Freud et Jung au symptôme n’a-t-elle pas contraint Bleuler dans les limites d’une théorie associationniste tandis qu’il mettait en évidence des traits cliniques du phénomène schizophrénique ? […]
Revue Internationale de Psychopathologie, n° 12
Presses Universitaires de France
Parution : 09-1993
Sommaire
Editorial
Silence(s) et lnconscient(s)
François Michel, Les écarts du discours de l’aphasique permettent-ils un accès à l’Inconscient cognitif ?
Daniel Widlöcher, L’analyse cognitive du silence en psychanalyse. « Quand les mots viennent à manquer »
Jean-Michel Azorin, Phénoménologie de la dissociation schizophrénique
Christine Rousseaux-Mosettig, La pensée dans l’acte manqué. Une question de méthode
Bertrand Colin, Les aubépines chez M. Proust : acte littéraire ou réalité psychologique
Recherche en cours
Jacqueline Carroy, Régine Plas, La méthode pathologique et les origines de la psychologie française au XIXe siècle
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Pierre Fédida, « Scénique »
Etudes critiques
Mareike Wolf, Freud, Binswanger et les suites (G. Fichtner, S. Freud, L. Binswanger, Briefwechsel 1908-1938 ; L. Binswanger, Ausgewahlte Werke, I ; M. Herzog, Phanomenologische Psychologie)
Pierre Fédida, La clinique en psychiatrie et sa fonction critique pour son histoire (G. Lanteri-Laura, Psychiatrie et connaissance)
Actualités bibliographiques. Livres et Revues
Les auteurs de ce volume
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