
Notre époque est certes globalement plongée dans quelque chose comme une jouissance morose de la catastrophe de la vie sociale et de la pensée. Et cette jouissance elle-même a, à son tour, un impact indéniable sur ce qu’il en est de penser. La thématique du désenchantement, qui fut nouvelle avant d’être distribuée avec les journaux du matin, semble être actuellement la seule qui enchante. On nous distribue largement les armes de la dépressivité sociale et personnelle. C’est digne d’intérêt. Pensons-y. Demandons-nous ce qui arrive. À quelles conditions parviendrons-nous à réaliser qu’il arrive quelque chose au lieu des couplets sur l’autrefois où il arrivait quelque chose ? (…)
Entretien quotidien d’une entropie, d’une déperdition d’excitation, d’une désérotisation de la pensée et des perspectives, au plus profond de la politique et de soi-même. Hyperstimulés par la succession ininterrompue d’instantanés qui prétendûment nous informent – ce n’est plus l’actualité, c’est ce qui s’appelait autrefois les actualités –, nous nous trouvons mutilés de nos capacités de curiosité et d’excitation véritables, qui ne visent pas toutes à un avenir assuré. Le présent sans assurance n’est pas forcément paralytique.
Revue l’inactuel, Nouvelle série, n° 13, Circé
Parution : 24-01-2006
Sommaire
Présentation : Interroger le déjà vu
Marie Moscovici
L’excitation à philosopher
Antonia Soulez
Une séance d’improvisation
Patrice Loraux
Entre deux regards
Alain Touraine
Les déclics, le moment
Patrick Lacoste
Vies privées sans secrets
Joëlle Lévy-Ortscheidt
Marranisme, la faute politique de la langue, de Milner à Benveniste
Bruno Karsenti
Penser contre son temps
Pierre Zaoui
Chronopolitiques du « présentisme »
Laurent Jeanpierre
Prendre l’époque au lacet (à l’occasion de Duchamp)
Élie During
Leggere la vita – Lire le nom ?
Jean-Jacques Blévis
Philosophie de la peine et éthique de la victime
Frédéric Gros
L’Archaïque prend son envol
Gcorges-Arthur Goldschmidt
La transmissionnaire
Claude Burgelin
Les auteurs