
On ne rassemble pas les morts sans une très forte impression de les déranger.
Il y a ceux de tous les temps et de tous les lieux, la multitude et son effet mélancolique, comme un lent Déluge. Il y a la généalogie, qui raconte une histoire narcissique des morts : n’est-ce pas toujours à moi qu’elle aboutit ? Il y a d’autres rassemblements, impensables lorsqu’on en demande raison aux vivants. De la Grande Guerre et des génocides à la trivialité du fait divers, les morts inconnus cannibalisent l’âme, la mémoire, et même l’oubli. Avec ceux de nos vies, ils sollicitent les confins de la pensée, où leur voyage imaginaire fait une étape réelle. Nos rituels sont leurs demeures, religieuses ou laïques. Ils se reposent dans nos livres, se réveillent dans nos photos. Ils se plaisent aux langues disparues. Ils nous visitent en rêve. Ils fuient la théorie. On souhaite alors on ne sait quelle exactitude pour parler d’eux,
Morts aux postures contraintes et gênés par trop d’espace,
Ô vous qui venez rôder autour de nos positions.
Revue Le fait de l’analyse, n° 7, Autrement
Parution : octobre 1999
Sommaire
Argument
Morts inaperçues
Pierre Fédida
« Des graffiti sur un mur nocturne »
Dominique Suchet
L’indifférence du rêveur
Dominique Clerc Maugendre
Réflexions sur une photographie
Antonio Alberto Semi
Stabat mater
Stéphane Audoin-Rouzeau
Nous sommes le nombre
Charles Malamoud
La mélancolie de la terre
Edmundo Gómez Mango
Le nom ne pourrit pas
Pierre Pacaud
À qui appartient le cadavre
José De Faria Costa
La forme du mort
Alain Boureau
Avatars de la résurrection des morts
Patrick Merot
Langue très morte
Clarisse Herrenschmidt
Du mourant de l’auteur
Michel Schneider
Quelqu’un est mort
Emanuela Trevisan Semi
Sur le cercueil de Sigmund Freud
Stefan Zweig
La dérision
Bertrand D’astorg
Rêver nos morts
J.-B. Pontalis