Le mélancolique sans mélancolie

Au jour le plus beau / il manque quelque chose : / son côté obscur. / La nuit nécessaire, on ne l’atteint pas / par la seule omission. Ces vers de Roberto Juarroz pourraient être le guide du présent essai où le psychanalyste Christian David, après un long silence (on se souvient du succès de L’État amoureux(1971), plusieurs fois réédité, et de La Bisexualité psychique paru en 1992), nous convie à l’accompagner dans une promenade où l’intelligence lumineuse et chaleureuse le dispute à l’humeur en demi-teinte, la mélancolie humaniste.

Au bout d’une méditation fragmentée sur la perte – moteur de la pensée comme de la vie quotidienne –, le « silence retrouvé » – mais a-t-il jamais été perdu ? – fait entendre quelques « conseils » au praticien de l’analyse non moins qu’au praticien du métier de vivre : « boire frais », c’est-à-dire ne pas se laisser entraver par des automatismes acquis ; s’abandonner, un peu, à la musique intérieure ; ne pas s’en tenir à la seule vertu du langage mais, sans pour autant s’en déprendre, accueillir les médiations non verbales, leur pénombre crépusculaire ; se situer aux confins, pour sortir du mortifère ; recourir avec patience, avec insistance, à l’« interrogation frontalière ».

En cours de route, le lecteur aura, lui aussi, fait l’expérience de la limite du conscient et de l’inconscient, du sens et du non-sens, du nocturne et du diurne, du formel et de l’informe. Il aura su que le « mouvement de la nuit ne cesse pas avec le jour. » Il se sera reconnu dans le « plus commun des amoureux », homme éveillé encore habité par ses rêves de la nuit et préparant sans le savoir ceux de la prochaine. Dernier « conseil » : rêver son amour les yeux ouverts.

Auteur : Christian David

Collection penser/rêver, l’Olivier.
Parution : 11 octobre 2007