La boulimie et son infortune

La sensation de faim et le comportement boulimique constituent un phénomène physique et psychologique bien connu et qui, depuis longtemps, a fait l’objet de multiples études. La convoitise et l’avidité alimentaires sont généralement conçues comme l’expression d’une dérégulation psychophysiologique qui affecte non seulement la vie somatique mais aussi les comportements émotionnels, les rapports affectifs et sexuels, l’activité de la pensée et l’image du corps. Présentée sous forme de manifestations alternante ou inverse, l’anorexie — état d’inappétence et de refus de nourriture — apparaît clairement comme la configuration complémentaire de la boulimie. L’intérêt psychopathologique de ces deux notions n’a pas échappé aux spécialistes de la vie nutritionnelle ainsi qu’aux psychiatres et aux psychanalystes.

La présente étude accueille l’information la plus actuelle sur l’état de ce problème et elle la réfléchit à la lumière de la théorie psychanalytique au point de faire de la boulimie non plus seulement un comportement mais la figure complexe et paradoxale d’un trouble dans les processus psychiques inconscients qui concernent l’amour et la haine, la mort et la conservation, le corps, l’autre et le monde extérieur. Autant dire alors que la boulimie prend valeur d’une notion nosographiquement transversale et — d’un point de vue métapsychologique — constamment paradoxale. Ainsi a-t-elle pouvoir extensif et compréhensif de rendre compte des mécanismes archaïques originaux qui entrent en jeu dans le rapport psyché-soma.

Auteur : Laurence Igoin

Collection Voix nouvelles en psychanalyse
Parution : 1979