
Le diable est un personnage étrange et terrifiant qui, depuis toujours, hante l’imagination humaine. Sous des formes différentes, ses caractéristiques principales — la volonté de nuire et le pouvoir démesuré — demeurent inchangées depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours. Les cauchemars, les souvenirs d’enfance, les délires, les superstitions, la littérature, les films, les expressions de la langue nous le montrent.
Bien que l’image du diable apparaisse régulièrement à un moment ou à un autre dans presque chaque cure, la psychanalyse post-freudienne s’est attachée à l’étude d’autres personnages mythiques, principalement ceux d’origine grecque, et a délaissé le diable. Freud, lui, s’y intéressait passionnément. Le diable occupe une place importante dans sa pensée et dans ses fantasmes, comme l’élément central du monde irrationnel et ténébreux qui le fascine et qui a été sous-estimé par les exégètes et biographes au profit du monde scientifique.
De façon non systématique, tout au long de son œuvre et de sa correspondance, Freud a élaboré une psychanalyse appliquée du diable. Fil à fil, Luisa de Urtubey l’a reconstruite ; elle a décelé son ordonnance autour de deux thèmes interprétatifs coexistants et d’importance égale. Selon le premier, le diable est une figuration d’abord de l’inconscient, ensuite des pulsions libidinales refoulées, enfin de la pulsion de mort ; selon le deuxième, le diable est le représentant du père, mauvais parce que séducteur.
En analysant plus profondément ces deux thèmes, Luisa de Urtubey suggère que le diable « pulsionnel » représente pour Freud, à chaque moment de sa pensée, ce qui est le plus inconciliable avec le moi et le moins médiatisé par le processus secondaire. Derrière le diable mauvais père séducteur, ce sont le parent combiné angoissant et le mauvais objet excitant intériorisé qui se dissimulent. Face à ce diable père, se constituent des formations de compromis, qui expriment trois degrés de relation : séduction, possession, pacte.
Freud se montre parfois séduit par le diable, rapprochant la croyance à l’analyse de la croyance au Malin et s’adjugeant le rôle de sorcier. A d’autres moments, il rejette tout lien au diabolique et à la possession. C’est le cas dans « Une névrose démoniaque au dix-septième siècle », texte longuement étudié ici et que Luisa de Urtubey juge, à la fois, comme l’étude clinique la moins réussie que Freud ait écrite et comme l’élaboration majeure qu’il ait proposée sur le diable comme représentant du père.
Auteur : Luisa de Urtubey
Sous la direction de Jean Laplanche
Collection Voix nouvelles en psychanalyse
Parution : 02-1983
Sommaire
Introduction
CHAPITRE PREMIER – Premières influences
CHAPITRE II – La rencontre avec Charcot
CHAPITRE III – Le diable = l’inconscient
CHAPITRE IV – Freud, ses hystériques et le père séducteur diabolique
CHAPITRE V – L’auto-analyse comme descente aux enfers
- Le choix de Fliess comme interlocuteur
- La descente aux enfers
- Aux enfers intérieurs, Freud fait la rencontre du diable et de la sorcière
- Influence du « Malleus maleficarum »
- La bonne-sorcière
- La sexualité conduit en enfer
- La sexualité est-elle la métaphore du diable ?
- Le travail de l’inconscient est comparable à celui du diable
- Le retour des enfers
CHAPITRE VI – Le diable = les pulsions refoulées
CHAPITRE VII – Freud et le Dr Faust
- Identification de Freud à Gœthe
- Identification de Freud au Dr Faust
- Identification de Freud à Méphistophélès
CHAPITRE VIII – Jung et son influence
- Pourquoi Freud « choisit » Jung
- Influence de Jung sur Freud
CHAPITRE IX – Schreber et le diable scotomisé
- Le pacte
- Le diable
- Les lieux du diable
- Schreber est prince de l’enfer
- Le pacte
- Le diable
- Les lieux du diable
- Schreber, Prince de l’enfer
CHAPITRE X – Après Jung et Schreber épidémie diabolique chez les premiers psychanalystes
CHAPITRE XI – « Totem et tabou » Le démon est le parent haï mais le père-diable est réprimé
CHAPITRE XII – Le diable et la mort
- Le diable se rapproche de la mort et du meurtre
- Le diable se lie à la pulsion de mort La répétition est démoniaque
- Le diable est la mort
CHAPITRE XIII – Les « diables » de Reik et de Lou Salomé
CHAPITRE XIV – « Une névrose démoniaque XVIIe siècle »
- Le manuscrit
- L’Introduction
- Histoire du peintre Christopher Haitzmann
- Le motif du pacte
- Le diable-père
- Les deux pactes
- La névrose ultérieure
CHAPITRE XV – Oscillations irrationnel-rationnel et magie-science
- L’occultisme
- Une phase de lutte contre l’irrationnel
- Mais parfois Freud se déclare magicien
- Cependant la raison reprend ses droits
- Retour du diable
CHAPITRE XVI – La sorcière
CONCLUSION
Le diable = les pulsions
- Le diable = la contre-volonté
- Le diable = l’inconscient
- Le diable = les pulsions refoulées
- Le diable = la pulsion de mort
Le diable = le père
- Mais qu’est donc ce père phallique et féminin ?
Les deux théories
L’identification de Freud au diable et au sorcier
Bibliographie
À propos de l’auteur
Notes